
Magali GUADALUPE MIRANDA
Avocate au Barreau des Hauts-de-Seine
Violences conjugales ou intrafamiliales
Les violences intrafamiliales peuvent toucher tout le monde.
Ces violences peuvent prendre plein de formes différentes.
Il n'y a pas de "profil type" de victime de violences, ni d'auteurs de violence.
Être victime de violences intrafamiliales peut arriver à tout le monde, mais ce n'est pas une fatalité : vous pouvez réagir.
C'est l'ensemble des violences commises au sein du couple, quelle que soit leur forme : physique, sexuelle, psychologique, administrative et économique.
L'association L'Escale a fait une description des différents types de violences : https://lescale.asso.fr/quest-ce-que-les-violences/
Protéger, prouver, agir.
Si vous êtes victime de violences conjugales ou familial, voici le mantra que vous devez appliquer :
Protéger : je me protège et je protège mes enfants, je prépare mon départ pour pouvoir réagir très vite
Prouver : je rassemble les preuves
Agir : je dénonce les violences dont je suis victime
Toutes les violences sont répréhensibles, et vous devez réagir avant qu'il ne soit trop tard.
Vous n'êtes pas seule. Il existe de nombreuses associations pour vous aider. Vous pouvez les trouver sur https://arretonslesviolences.gouv.fr/associations-de-lutte-contre-les-violences-sexistes-et-sexuelles/associations
Vous protéger et protéger vos enfants passe souvent par le fait de quitter le domicile familial. Pour que tout se passe le mieux possible, ce départ doit être préparé.
Plus vous aurez pu anticiper les questions les plus pressantes (où sont mes papiers ? où loger ? où vont aller les enfants ?...) et plus tôt vous pourrez franchir le pas pour vous extraire enfin de cette violence.
Si l'auteur des violences habite avec vous et que vous avez la possibilité de préparer votre départ, voici quelques conseils :
rassemblez vos papiers d'identité et ceux des enfants. Faites des photocopies, conservez des photos dans votre téléphone, sur votre boîte e-mail
assurez-vous que l'auteur des violences n'a pas accès à votre boîte e-mail. S'il y a accès, créez une nouvelle boîte e-mail, avec un mot de passe complexe difficile pour lui à deviner
vous pouvez également utiliser des coffres-forts en ligne, comme https://memo-de-vie.org/, qui est spécifiquement dédié aux victimes de violences
si l'auteur des violences surveille votre téléphone, achetez un téléphone prépayé, sans géolocalisation, à utiliser en cas d'urgence. Notez les contacts importants sur un carnet papier que vous aurez toujours sur vous
effacez systématiquement vos historiques de navigation (y compris les cookies), déconnectez tous les appareils de vos comptes synchronisés (Google, Facebook...)
rassemblez vos moyens de paiement. Si vous n'avez pas compte bancaire personnel, ouvrez-en un.
faites des doubles de vos clés, que vous déposerez chez une personne de confiance ou à votre travail si l'auteur de violence n'y a pas accès
prévenez au moins 3 personnes de confiance que vous risquez d'avoir besoin à tout moment de vous réfugier chez eux
prenez déjà attache avec une association qui pourra vous orienter, vous héberger et vous assurer un suivi psychologique.
Si vous êtes dans les Hauts-de-Seine (92), contactez l'association Femmes Victimes de Violences (FVV) au 01 47 91 48 44.
À l'échelle nationale, vous pouvez trouver des conseils sur https://www.solidaritefemmes.org/.
Si vous devez partir précipitamment de votre domicile et que vous n'avez pas pu préparer tout cela, ne paniquez pas : vous pourrez quand même faire une partie de ces démarches progressivement, avec les conseils d'une association. L'essentiel est de vous mettre à l'abri.
En cas d'urgence, appelez immédiatement les secours.
Le cycle des violences vous place progressivement dans une situation d'isolement. Sortir de cet isolement vous aidera à briser ce cycle de violences.
Vous pouvez compter sur :
les associations telles que l'Escale (📞01 47 91 48 44) ou Women Safe
les forces de l'ordre (📞112 ou 17)
les dispositions d'écoute officiels (📞3919)
des applications d'alerte dédiée aux violences faites aux femmes, comme par exemple The Sorority ou App-Elles
Vous pouvez :
déposer plainte, ce qui entraînera une enquête et éventuellement des poursuites judiciaires,
déposer une main-courante
solliciter une simple audition
Une main courante n’est pas une plainte. Elle n’est pas transmise au Procureur et n’entraîne généralement aucune poursuite pénale. Attention cependant, certains commissariats sont pro-actifs et enquêtent même si vous n'avez déposé qu'une main courante.
Une main-courante peut s’avérer très utile lorsque vous souhaitez signaler des infractions qui se constituent par la répétition (menaces répétées, harcèlement…). Elle est également fréquemment utilisée lorsque l’un des époux abandonne le domicile conjugal, pour laisser une trace de la date et du motif du départ.
Pour donner plus de force probante à votre main courante, il est vivement conseillé d’apporter tous les éléments de preuve à votre disposition (sms, message vocal, courrier…). L’agent pourra alors en faire mention et indiquer « VU ET EXACT » dans la déclaration.
Si vous ne voulez pas déposer plainte ou faire une main-courante, vous pouvez quand même solliciter une audition. Vous serez entendue par la police (comme une plainte classique), mais vous ne serez pas officiellement plaignante. La police mènera son enquête sur la base de vos déclarations lors de l'audition. Dans tous les cas, présentez l'ensemble des éléments de preuve que vous aurez pu rassembler.
Les refus d’enregistrement de plainte ou de main-courante demeurent assez fréquents, même si la situation s'est améliorée depuis 2018. La loi est claire : si les faits que vous dénoncez sont constitutifs d’une infraction dont vous êtes personnellement la victime, la police n’a pas le droit de refuser de prendre votre plainte, car seul le Procureur a l’opportunité des poursuites.
Si néanmoins la police refuse de prendre votre plainte (essayez dans plusieurs commissariats), n’hésitez pas à rédiger une plainte vous-même ou avec l'aide d'un professionnel (avocat, travailleur social), et à l'envoyer directement au Procureur de la République par lettre recommandée avec accusée de réception
Partez du principe que si vous ne pouvez pas prouver que vous avez été victime de violences, la justice n'a d'autre choix que de considérer que vous n'êtes pas victime de violences. Vous ne serez pas crue sur parole.
Par conséquent, vous devez essayer de constituer des preuves de la violence subie :
enregistrements audio et vidéo qu'il faudra faire constater par huissier de justice
photographie des coups
attestations de proches, de voisins de confiance
main-courantes ou plainte
certificats médicaux de votre médecin ou au service des urgences
Il existe un site internet dédié pour vous permettre de sauvegarder tous ces éléments : https://memo-de-vie.org/
Si l'auteur des violences a libre accès à votre domicile, ne conservez pas ces preuves à votre domicile : d'une part, l'auteur pourrait les détruire ; d'autre part, vous mettriez votre vie en danger car il pourrait vouloir se venger. Conservez ces preuves chez plusieurs personnes de confiance qui sont au courant de la situation : amis, collègues, parents...
Cela ne sert à rien.
Le retrait d’une plainte est toujours possible mais n’a strictement aucun effet sur les poursuites, qui sont entre les mains :
soit du Procureur de la République
soit d’un juge d’instruction
Par ailleurs, demandez-vous pourquoi vous voulez retirer cette plainte :
est-ce que vous voulez lui donner une nouvelle chance parce qu'il s'est excusé et vous a promis de changer ?
est-ce que vous culpabilisez de priver vos enfants de leur père ?
est-ce que vous subissez des pressions de la part de votre famille ou votre belle-famille ?
est-ce que vous avez peur des représailles ?
Aucune de ces raisons ne devrait vous pousser à retirer votre plainte.
Si vous vous sentez dans l'une de ces 4 situations, c'est que vous êtes potentiellement en danger du fait de l'emprise de votre conjoint ou de votre entourage. Il est donc crucial pour votre propre sécurité de ne pas céder et de ne surtout pas vous exposer à la réitération des violences.
Il n'y a pas de profil. Les violences de genre et/ou familiales touchent toutes les classes sociales, tous les âges, toutes les origines ethniques.
Cela ne veut pas dire que tous les conjoints sont forcément violents.
Cela veut dire que personne n'est parfaitement à l'abri d'être victime de violence... ou d'être violent.
Je vous invite à :
Il n'y a aucune différence dans vos droits face aux violences conjugales, que vous ayez la nationalité française ou pas, que vous ayez des papiers ou non.
Si votre droit au séjour dépend de votre vie commune avec l'auteur de violences, des dispositions sont prévues pour que vous puissiez conserver votre titre de séjour malgré la séparation.
Si vous n'avez pas de titre de séjour, vous pouvez en solliciter un en tant que victime de violences conjugales.
"Toute violence faite aux femmes est également une violence faite aux enfants"
Citation : Premier plan interministériel de lutte et de mobilisation contre les violences faites aux enfants 2017-2019, 1er mars 2017, p. 39.
Les enfants sont toujours co-victimes des violences conjugales. Ce n'est parce que le parent violent ne tape pas les enfants qu'ils ne souffrent pas de cette situation. Il est extrêmement traumatisant pour un enfant de vivre dans une famille dans laquelle un parent a peur de l'autre ou, pire encore, d'être témoin direct de violence de l'un de ses parents sur l'autre.
On observe très fréquemment que l'enfant développe une agressivité en collectivité (crèche, école), ou qu'il a des problèmes comportementaux à l'école. Sans parler évidemment de l'impact à long terme sur sa vie d'adulte et sa relation à l'autre et à ses propres enfants.
En France, 4 millions d'enfants sont victimes ou co-victimes de violences de ces violences.
Pour autant, il est possible de maintenir un lien parent-enfant si cela est dans l'intérêt de l'enfant. Un juge aux affaires familiales peut par accorder au parent un droit de visite médiatisé, encadré par une association, si le parent ne représente pas de danger pour l'enfant.
Je vous invite à lire un article à ce sujet sur le site de L'Escale (troisième partie).
L'excision est une mutilation génitale féminine qui est formellement interdite en France. C'est une violence très grave qui a des conséquences extrêmement graves tout au long de la vie de la femme, voire même qui peut s'avérer mortelle.
Que vous soyez majeure ou mineure, quelle que soit votre nationalité, que vous ayez des papiers ou non, vous pouvez vous opposer à votre excision et demander la protection des autorités françaises.
Si vous êtes mineure, quelle que soit votre nationalité, vous pouvez :
alerter les professionnels de santé ou d'éducation (infirmière scolaire, enseignant, médecin traitant...) qui fera un signalement auprès du Procureur de la République
saisir vous-même le Juge des enfants.
Le Procureur de la République ou le Juge des enfants prendra les mesures nécessaires pour vous protéger. Cela passe souvent par un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance, pour vous protéger de votre famille.
Si vous êtes majeure, vous pouvez déposer plainte et solliciter des mesures de protection.
Si vous êtes de nationalité étrangère, que vous soyez majeure ou mineure, vous pouvez demander l'asile.
Si malheureusement vous avez déjà été excisée, vous pouvez envisager une chirurgie réparatrice.
Je vous invite à consulter les témoignages de femmes qui ont été excisées et qui ont bénéficié de cette chirurgie :
Si vous en avez conscience, c'est déjà un premier pas très important.
Pour vous accompagner dans votre réflexion et votre démarche, un numéro gratuit d'écoute et de conseils est spécialement dédié aux auteurs de violences : 08 019 019 11
Les origines de la violence sont multiples, mais elles nécessitent toutes une prise en charge psychologique.
Je vous invite à écouter le podcast suivant :
https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table/qui-sont-les-conjoints-violents
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